samedi 8 septembre 2018

Jean BAILLEUL ou la "Belle Epoque"


Mon arrière-grand-père Jean Marie est né le 13 avril 1879 à Rennes, chez une sage-femme, au 48 de la rue Vasselot.
Rue Vasselot

Sa mère, Marie-Françoise BAZIN, est âgée de vingt et un ans et est célibataire. Elle est originaire de Betton et est habituellement domiciliée à Liffré, chez ses parents.
Marie-Françoise s'est-elle enfuie à Rennes pour y cacher sa grossesse, ou est-elle venue auparavant chercher du travail à la ville ?
Qui est le père de Jean ? Nous ne le saurons certainement jamais.
Les témoins de la naissance, qui peuvent parfois apporter des indices précieux (cf l'histoire de mon grand-père André CATHO que je vous raconterai bientôt), sont ici sans mystère. Il s'agit tout simplement du mari de la sage-femme, qui est menuisier, et d'un collègue de celui-ci.
Trois semaines après l'accouchement, le 3 mai 1879, Marie-Françoise reconnaît son fils, comme c'est la procédure pour une mère célibataire à cette époque.
Etre fille-mère en 1879 est certes infamant, mais fréquent, surtout dans les grandes villes. L'exode rural, qui n'en est qu'à ses débuts, oblige de nombreuses jeunes filles de milieu modeste à quitter le cercle familial pour travailler, seules, dans un environnement anonyme, où elles sont certes plus libres, mais exposées à davantage de dangers.
Les recensements effectués en 1876 et 1881 ne m'ont pas permis de retrouver la trace de Marie-Françoise à Rennes, auquel cas j'aurais pu savoir si elle vivait en concubinage, ou dans quelle entreprise elle était employée.
Bref, Marie-Françoise connaît le sort de bien des jeunes femmes de son âge. Ses parents, bien que probablement mécontents, la reprennent avec eux, ainsi que l'enfant, dans l'exploitation agricole familiale à Liffré.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la très grande majorité des filles-mères trouve un mari par la suite, lequel peut même aller jusqu'à reconnaître l'enfant pour le sien.
En l'occurrence, Marie-Françoise se marie le 11 janvier 1883, à Liffré, avec François BAILLEUL .
François a vingt-sept ans ; à noter qu'il a été réformé, car il n'a plus de vision à l'oeil droit.
Jean est alors âgé de trois ans et demi.
Le couple de nouveaux mariés s'installe à Rennes, au 36 rue Saint Georges. Jean reste à Liffré, avec ses grands-parents maternels. Bientôt, une petite soeur, Marie-Alexandrine, née en 1885, est également confiée aux grands-parents.
François exerce le métier de cantonnier, et Marie-Françoise est rempailleuse de chaises.
Deux autres jeunes soeurs vont agrandir le foyer :
- Anna en 1887, qui sera modiste, et sur laquelle vous en apprendrez plus en lisant l'article « Tonton Francis »,
- Françoise en 1895.
La famille est alors domiciliée rue du Lycée, dans le quartier de Toussaints, quartier qu'elle et les quatre générations suivantes ne quitteront plus ... jusqu'en 2001 !
Rue du Lycée à Rennes
C'est en 1894, alors que Jean est âgé de quinze ans, que François BAILLEUL le reconnaît. Jean BAZIN s'appellera désormais Jean BAILLEUL. Pourquoi cette reconnaissance tardive ? Manque d'informations ? Demande de l'adolescent ?
Tout en apprenant le métier de tapissier, Jean prend des cours de chant. A l'époque, ce n'est guère courant, pour un enfant de milieu modeste, de pratiquer une activité artistique. On peut donc supposer que quelqu'un, peut-être un enseignant ou le curé de Toussaints, a remarqué que Jean avait un joli filet de voix.
En effet, le garçon est doué ; pour preuve, ces coupures de presse et programmes qu'il a lui-même conservés et collés sur du papier à carreaux, et qui sont parvenus jusqu'à moi.




Sa voix de ténor lui permet de chanter du Rossini, du Gounod, du Weber ; il ne dédaigne pas cependant les chansons populaires.
Sous la férule d'un certain Alexandre LOVIE, Jean améliore sa technique et remporte de vifs succès. Qu'on en juge par cet extrait de l'Ouest-Eclair, futur Ouest-France, en janvier 1899 : "M.Bailleul, le jeune ténor, a pu nous tenir sous le charme de sa voix pure et savamment dirigée dans l'air du Sommeil de la Muette, et surtout dans la délicieuse Sérénade de Don Pasquale. Quoique jeune, on reconnaît en lui la nature d'un artiste et nous ne doutons pas de son avenir (...). Bien que ne faisant pas partie du Conservatoire, il serait à désirer que la municipalité vint en aide à ce jeune homme pour lui permettre de continuer ses études musicales".

Mais dans l'immédiat, le service militaire l'attend, Jean est enrôlé sous le matricule 493. Il effectuera son service de novembre 1900 à septembre 1903, à Rennes, Vitré et Saint-Lô.
Il mesure 1m59 et sa fiche matricule nous confirme ce que nous avons vu sur sa photo : Jean a les yeux bleus .
Jean est au dernier rang, au milieu.
Nous sommes à la Belle Epoque, la paix règne, et le service militaire peut s'assouplir pour un garçon qui allie des talents de chanteur et de musicien : même sous les drapeaux, Jean continue à se produire sur scène, essentiellement en Bretagne et dans la Manche.
Jean est le cinquième à partir de la gauche.
Jean ne se contente pas de chanter, il se produit également dans des saynètes historiques, pour preuve les photos ci-dessous.
Jean est le second en partant de la droite

Jean est au premier rang, à droite, avec le plumet blanc
Lorsque j'étais une toute petite fille, ces photos me plongeaient dans un abîme de perplexité : il me semblait bien que la photographie n'existait pas du temps de ces fiers cavaliers, et encore moins du temps de Jésus-Christ, et pourtant, elles semblaient si réelles ! Et mon arrière-grand-père avait vécu en ces temps reculés ? Je ne savais pas encore qu'il arrivait que les grandes personnes se déguisent, elles aussi, pour s'amuser …

C'est le 25 avril 1904 qu'il épouse une couturière, Jeanne Marie Joséphine SICOT , dite « Marie »
Fait notable, Jean est de cinq ans plus jeune que son épouse, qui en a trente.


Comment se sont-ils rencontrés ? Mystère … Néanmoins, Marie a elle aussi toujours vécu dans le quartier de Toussaints, et elle coud entre autres des coussins d'ameublement, pour compléter les sièges garnis par … les tapissiers ! Il est donc très probable qu'ils se connaissaient depuis un moment.
Les jeunes époux s'installent au 26 de la rue de Nemours, avec la famille de Marie, et un petit René Jean Marie, mon grand-père, voit le jour le 6 janvier 1907.


Jean travaille alors au 17 rue Hoche, un peu plus haut dans le centre-ville de Rennes, chez le tapissier Louis PELLE.
Jean est le second en partant de la gauche

Au dos de la photo, voici le seul échantillon que je possède de l'écriture de mon arrière-grand-père :


La vie s'écoule ainsi, aussi heureuse que possible, Marie est même enceinte lorsque la guerre éclate.
Jean est mobilisé, mais est évacué dès le 20 septembre 1914, en raison d'une maladie d'estomac et de la perte de nombreuses dents supérieures, que son dentier de bois ne suffit pas à remplacer …

Marie accouche le 11 novembre 1914 d'un petit Jean Joseph Marie, que voici :


En raison de son état de santé, Jean n'ira pas au front et sera affecté aux services auxiliaires, au 75è Régiment d'Infanterie Territoriale ; la mémoire familiale se souviendra « qu'il gardait les moulins ».

Jean est tout à droite, tenant fièrement son fusil.

Jean traversera la guerre sans trop de dommages, continuant à se produire sur scène en parallèle, mais, dans sa vie personnelle, de tristes événements vont se succéder.
Le 28 février 1917, sa mère Marie-Françoise BAZIN décède à l'âge de 60 ans.
François BAILLEUL décédera quant à lui le 11 août 1919. Bien qu'âgé de 64 ans et borgne, il continue à travailler sur les chantiers et succombe à une attaque provoquée par la chaleur.


Quant à Jean, s'il a survécu au conflit, il est désormais affaibli par la tuberculose.
Mon grand-père me racontera que son père utilisait un crachoir portatif en métal, comme il était courant à l'époque.
Jean n'abandonne pas ses activités artistiques pour autant, l'Ouest-Eclair s'en fait l'écho le 31 mai 1920 : "Le banquet du 75è R.I.T. (...) Après quelques minutes de recueillement, la gaieté française reprenait cependant le dessus ; quelques poilus chantèrent même des chansons du front. Nous aurons une mention toute spéciale pour M.Bailleul, le ténor si justement apprécié."
Enfin, il pose pour la postérité devant un de ses amis, le peintre Camille GODET. Jean BAILLEUL trône désormais dans une salle de l'Hôtel de Ville de Rennes, faisant partie de la fresque célébrant les différents corps d'armée de la Grande Guerre.
Le peintre Camille GODET (autoportrait)
Il y a plus de trente ans que mon grand-père m'emmena dans cette salle de l'Hôtel de Ville, pour me montrer le portait de son père. Hélas ! sur cette imposante fresque, et par le seul biais d'internet, je ne peux le retrouver ...

Dans ce coin de la salle ou dans un autre ?
Duquel de ces hommes s'agit-il ?

Miné par la tuberculose, Jean BAILLEUL s'est éteint le 2 mai 1922 à son domicile du 18 rue du Pré-Botté, âgé seulement de 43 ans.
Il ne verra pas l'inauguration du Panthéon Rennais, le 2 juillet 1922. Camille GODET, se doutant de la fin prochaine de Jean, a-t-il voulu, en le choisissant pour modèle, laisser une trace éternelle de son ami ?

Jean laisse derrière lui une veuve, qui ne se remariera pas, et deux enfants de quinze et sept ans. 

René BAILLEUL, Marie SICOT et Jean BAILLEUL vers 1923

Ses deux fils développeront eux aussi un talent musical, j'en parlerai plus tard dans un article consacré à la jeunesse de mon grand-père, René BAILLEUL.






mercredi 9 mai 2018

Jean Marie Joseph LERAY, de la Bretagne à la Gironde

Comme beaucoup de généalogistes, mes racines sont profondément enfouies dans une seule et même région : la Bretagne. Mes ancêtres, directs ou collatéraux, sont tous d'Ille et Vilaine ou du Morbihan. Alors, quand, parfois, je tombe sur l'un d'entre eux qui a franchi les frontières de la région, je m'y attache, je fouille, et j'ai parfois la chance, comme c'est le cas ici, d'aller de découvertes en découvertes ...

Jean Marie Joseph LERAY en 1933
Jean Marie Joseph LERAY est né le 12 septembre 1849 à Noyal sur Seiche en Ille et Vilaine.
Sa mère, Jeanne Julie PICHARD, a déjà cinq enfants de son premier mari, Pierre DEZENAIRE, décédé en 1847. Leur dernier enfant, Jeanne Marie DEZENAIRE, mon arrière-arrière-grand-mère, n'est âgée que d'un an au décès de son père.
L'exploitation agricole familiale est importante, et Jeanne Julie ne peut rester seule, ce qui explique son remariage rapide avec Joseph Augustin LERAY le 24 mai 1848.
J'ai peu de détails sur l'enfance du petit Jean Marie Joseph, si ce n'est qu'il noue de solides relations avec sa demi-sœur Jeanne Marie, relations qui perdureront jusqu'à leur mort, presque neuf décennies plus tard.
Son père décède alors que Jean n'a que seize ans, le 12 juin 1866.
Jean est un garçon intelligent, pieux et travailleur, puisqu'à ses vingt ans, il est élève ecclésiastique à Rennes, au séminaire de la Place Hoche (actuellement la Bibliothèque Universitaire, où j'ai passé beaucoup de temps sous ces mêmes arcades, sans me douter que ..., bref, j'aurais dû faire de la généalogie plus tôt).

Séminaire de la Place Hoche à Rennes

Il est plutôt grand pour l'époque (1m73), les cheveux bruns, les yeux gris. 
Cependant, il lui faut interrompre ses études pour effectuer son service militaire sous le matricule 955.

Jean est affecté au 28è Régiment de Ligne le 25 août 1870.
L'Histoire vient alors infléchir le destin tout tracé de Jean, le 22 septembre 1870, il part combattre contre l'Allemagne. 
Le 2 février 1871, bien que la guerre soit officiellement terminée, Jean est fait prisonnier par les allemands vainqueurs, et emmené en captivité en Allemagne. Après deux autres guerres, très peu de sources subsistent sur cette guerre dite "la guerre oubliée". Il est donc improbable que je découvre où Jean a été détenu.
Le 20 mars 1871, il fait partie des premiers libérés. Il faut savoir que Bismarck, dont l'intérêt était de soutenir le gouvernement de Thiers, a hâté la libération des soldats prisonniers afin qu'ils puissent réprimer l'insurrection de la Commune de Paris.

A partir du 18 avril 1871, Jean, qui fait donc partie des "Versaillais", est lancé dans ces combats.
Les affrontements culminent au cours de la "semaine sanglante" : le 24 mai 1871, Jean reçoit une balle à la jambe lors des combats de La Chapelle.


Résultat de recherche d'images pour "commune de paris barricades la chapelle"
Barricade rue de la Chapelle

Puis le calme revient. Rétabli, Jean doit poursuivre son service.
Son avancement est rapide : soldat de 1è classe en mai 1872, caporal en juin 1872, sergent en septembre 1873 et sergent-fourrier en mars 1874. En octobre 1874, il est libéré du service militaire.
Les événements des dernières années ont-ils influé sur la décision de Jean de renoncer à entrer dans les ordres ? Vers quels moyens d'existence se tourne-t-il alors ? 

En 1876, il est dans la région de Rennes, puisqu'il y accomplit une période d'instruction au 41è Régiment d'Infanterie.
Il s'associe, par acte du 12 mars 1878, avec un certain Edmond-Marie TEMPLE, également originaire de Rennes. Ils sont commissionnaires en librairie d'abord 8 rue de Bretagne à Paris, puis 25 rue Guénégaud.  L'entreprise édite notamment des cartes de géographie. Une succursale est installée à Bordeaux (voilà, nous y arrivons ...).

Sa mère, Jeanne Julie, décède le 29 janvier 1879. Jean était venu à son chevet quelques jours avant, puisqu'il est présent pour déclarer le décès en mairie.
Le patrimoine familial est confortable, puisqu'après le partage entre les sept enfants, Jean hérite d'une terre située à Vern sur Seiche, estimée à dix mille francs.

Fin 1879, Edmond TEMPLE décide de tenter sa chance au Canada, c'est la fin de leur association et un rude coup pour Jean, nous le verrons plus tard.
C'est par contre une heureuse inspiration pour Edmond, puisqu'il sera successivement commerçant, professeur de dessin, responsable des écoles du soir à Montréal et directeur de l'Opéra Français de Québec. Il est l'auteur d'une méthode de dessin toujours utilisée de nos jours Outre-Atlantique.
C'est à cette époque, et, semble-t-il par l'intermédiaire de Charles BOUGOUIN, son autre associé libraire installé 121 cours d'Alsace Lorraine à Bordeaux, que Jean fait la connaissance de la jeune Izabeau PERRIN, âgée de dix-huit ans.
Izabeau (appelée en famille Héloïse, et parfois Elizabeth), née le 18 décembre 1861 à Tayac (Gironde) est déjà bien éprouvée par la vie : son père, Jean PERRIN, est décédé alors qu'elle n'a que dix ans, et sa mère, Catherine MOREAU, deux ans plus tard …
Héloïse est fille unique, ses grands-parents sont tous décédés ; elle est recueillie par la sœur de sa mère, Marguerite MOREAU et le mari de celle-ci, Jean (dit Gratien) REYREAUD.
Héloïse étant mineure, il est nécessaire qu'un conseil de famille se réunisse pour donner son accord ou non à son union avec Jean, alors âgé de trente ans.
La situation patrimoniale des futurs époux est en rapport, un peu plus de 35 000 francs chacun, soit environ 135 000 euros.

C'est ainsi que le contrat de mariage est rédigé par Maître SEVERAC, notaire à Lussac, le matin même du mariage qui a lieu le 9 avril 1880, à Tayac.

Contrat de mariage du 9 avril 1880 entre Jean LERAY et Héloïse PERRIN
Je remercie d'ailleurs vivement Annie, l'efficace et gentille bénévole, qui a bien voulu me photographier aux Archives de la Gironde le dossier LERAY-PERRIN (délibération du conseil de famille, contrat de mariage).
Jean et sa jeune épouse s'installent d'abord dans l'appartement de Jean, 25 rue Guénégaud, puis 103 rue de Vaugirard en novembre 1880 au plus tard, ces deux adresses dans le 6è arrondissement, et enfin 17 rue du Pont d'Ivry à Maisons Alfort en 1881.

Le 21 avril 1881, est prononcée la faillite de la société Edmond TEMPLE et Cie.
Pour protéger le patrimoine d'Héloïse, il faut procéder à la séparation de biens, ce qui est fait par jugement du 28 juillet 1881.
C'est à Maisons-Alfort qu'Héloïse donne naissance à leur première fille, Jeanne Julie Marguerite Marie Elisabeth LERAY, le 15 septembre 1881.
La famille LERAY retourne à Paris, Jean est alors employé comme comptable (mais j'ignore dans quelle entreprise), et leur seconde fille, Marthe Marie LERAY, naît le 25 février 1884, à leur domicile, 56 rue Daumesnil, dans le 12è arrondissement.

56 rue Daumesnil
Mais le destin frappe : Héloïse va terminer sa brève existence près des siens, à Petit Palais et Cornemps, en Gironde, et décède le 19 janvier 1889, à l'âge de vingt-sept ans, laissant derrière elle deux petites filles de 7 et 5 ans …


Pour Jean, il n'est pas envisageable de rester seul à Paris avec les deux petites, il choisit donc de s'établir définitivement en Gironde où ses filles pourront bénéficier des soins de leurs tantes, grandes-tantes et cousines.
Ses carrières de libraire et de comptable sont closes, il sera désormais viticulteur.
Jeanne et Marthe grandissent à Lapourcaud, sur la commune de Tayac.
 
Lapourcaud
Jeanne épouse le 17 septembre 1901, à Monbadon, Louis Armand BONNET. Le couple n'aura pas de descendance.
Quant à Marthe, elle épouse le 3 mai 1903, à Tayac, Pierre Léon BERTHON, un viticulteur de Puisseguin.


Deux des quatre témoins du mariage me sont bien connus, puisqu'il s'agit de mon arrière-arrière-grand-père Joseph SICOT, qui a épousé la grande soeur de Jean, Jeanne Marie DEZENAIRE, en 1872, et de leur fille, mon arrière-grand-mère, Jeanne Marie SICOT, qui a alors vingt-sept ans.

Jeanne (dite Marie) SICOT, à son mariage l'année suivant celui de sa cousine germaine.

On le voit, ni le temps, ni la distance, n'ont affaibli les liens entre Jean et sa soeur.
M'interrogeant sur la durée du voyage à cette époque entre Rennes et Bordeaux, j'ai découvert que le temps de transport est raisonnable : partant de Rennes à 17h42, il faut monter dans un train couchettes à Nantes à 22h05, et l'on arrive, frais et dispos, à Bordeaux à 6h36 !
Tel est sans doute le moyen qu'ont utilisé ces deux branches de la famille pour se voir régulièrement.

Ses deux filles mariées, Jean s'autorise à penser à lui : après tout, il n'a que 55 ans.
Comment fait-il la connaissance de sa seconde épouse, Louise Marie Augustine Bathilde de VILLIERS, voilà ce que je n'ai pas réussi à découvrir.

Bathilde, issue d'une vieille famille normande, est née le 26 novembre 1870 au Château des Planches, à Amblie (Calvados).

Château des Planches à Amblie (Calvados)
Avec sa mère et sa plus jeune soeur, elle est installée depuis plusieurs années à Abbeville (Somme), et c'est là, à l'âge de trente-six ans, qu'elle épouse Jean le 23 avril 1906.
Leur acte de mariage civil a disparu dans les destructions de la seconde guerre mondiale, mais l'archiviste du diocèse d'Amiens a bien voulu exhumer des registres leur acte de mariage religieux.
C'est ainsi que j'ai appris que le mariage avait eu lieu ... de nuit ! Si cette pratique était courante sous l'Ancien Régime, elle est tout à fait exceptionnelle au début du XXè siècle, qui plus est en milieu urbain.
Sans doute faut-il y voir un souci de discrétion, en raison de la différence d'âge et s'agissant d'un second mariage pour Jean.




Bathilde s'installe à Tayac, elle est bien acceptée par ses belles-filles, puisqu'elle est probablement la marraine de la troisième fille de Marthe, née en 1911, Alice Bathilde Emilie.

Le frère de Bathilde, René de VILLIERS, est séduit par le charme de la Gironde, et pas seulement, puisqu'il épouse en 1920 l'institutrice de Petit Palais et Cornemps ! Les deux témoins du mariage ne sont autres que Jean LERAY et son gendre, Pierre Léon BERTHON.

La vie s'écoule ainsi ; les trois petites-filles de Jean, qui l'appellent "Tanpère Pic-Pic", grandissent.

L'aînée, Aline BERTHON, se marie le 3 juin 1924, à Puisseguin, avec un médecin, futur résistant et député, Marceau DUPUY.

Jean LERAY est au premier rang, avec un chien à ses pieds, sa fille Marthe à sa droite.
Hélas, c'est ce même jour qu'Alice, âgée de treize ans, prend froid ; atteinte de tuberculose, on ne pourra pas la sauver, et elle décède le 9 mars 1925.

Le temps passe, les navettes entre Rennes et la Gironde se poursuivent : la photo ci-dessous date de 1931 environ.

Elle a été prise au Parc du Thabor, à Rennes, très probablement par mon grand-père, René BAILLEUL, fils de Marie SICOT.
De gauche à droite :
Lydie BERTHON, la seconde petite-fille de Jean, dont nous allons bientôt parler,
Jean BAILLEUL, mon grand-oncle, second fils de Marie SICOT,
Marie SICOT, mon arrière-grand-mère,
Jean LERAY, fringant malgré ses 82 ans,
Marthe LERAY, sa fille et la mère de Lydie,
Marcelle GACEL, ma grand-mère,
et ... là, mystère, est-ce Bathilde de VILLIERS ? Je n'ai aucune certitude à ce sujet, mais c'est l'hypothèse la plus probable. Si cette dame est bien Bathilde, elle est en tout cas absente sur la photo de mariage d'Aline.


Lydie se marie quant à elle le 29 avril 1933 avec un négociant en vins, installé à ... Rennes ! Hasard ou destin ? Lydie l'a-t-elle rencontré lors d'un de ses séjours à Rennes ? Ou est-ce lui qui est venu prospecter à Puisseguin ?
C'est ainsi que j'ai très bien connu "Cousine Lydie" qui habitait à quelques encâblures de chez nous.

Jean LERAY est à droite, au second rang. Bathilde (si c'est elle) est tout à droite.
Marthe est au premier rang, deuxième à partir de la droite.
Le 4 novembre 1933, la demi-soeur de Jean, mon arrière-arrière-grand-mère, Jeanne Marie DEZENAIRE décède à Rennes, à l'âge respectable de 87 ans.

JEANNE MARIE JOSEPHINE DEZENAIRE
Jeanne Marie a porté la coiffe du pays de Rennes jusqu'à la fin de sa vie. Elle est restée très présente dans la mémoire familiale, sous le sobriquet affectueux de "Mon Dieu donc !", son interjection favorite.

Jean décèdera 3 ans plus tard, à 88 ans, le 14 janvier 1938, à Petit Palais et Cornemps.
Il est inhumé dans le cimetière de Puisseguin, première tombe à gauche en entrant.

Bathilde est encore en vie. Son frère René est, lui, décédé en 1934. Une de ses soeurs, Alice (épouse VIRONCHAUX) évacuera la zone occupée au début de la guerre pour se réfugier chez sa soeur à Petit Palais et Cornemps ; elle y décèdera en 1943.
A ce jour,  je n'ai pas réussi à trouver le décès de Bathilde : nulle trace d'elle dans les registres de Petit Palais et Cornemps, ni de Tayac, ni de Puisseguin ...
Mention spéciale au passage pour les secrétaires de mairie de ces trois communes qui ont toujours répondu à mes demandes avec rapidité et efficacité, l'une d'elles me dénichant même un renseignement dont elle pensait qu'il pouvait m'intéresser, et il fût précieux !

Bathilde reste donc en grande partie une énigme ; je poursuis ma recherche de descendants de ses frère et soeurs, au cas où une photographie, un souvenir, pourraient infirmer ou confirmer mes hypothèses.

Ces allers-retours entre Bretagne et Gironde sont-ils finis ? Non, puisque la fille de Lydie, Françoise, a épousé à son tour un girondin et s'est installée là-bas ! Un très grand merci à elle et à ma cousine Anne-Laure, qui se sont prises au jeu et m'ont communiqué des photographies et des éléments décisifs.

Vous le voyez, l'histoire continue ...

jeudi 8 mars 2018

Blanche : une vie de roman

Blanche est la grand-mère de mon mari, et quand nous avons commencé à explorer les mystères de sa vie de manière méthodique, nous nous sommes dit qu'il y avait matière à écrire un roman.
Sûrement, les éditeurs lèveraient les bras au ciel : "Mais c'est un mélodrame que vous avez écrit là !" Précisément. C'est un mélodrame. Pourquoi ce genre a-t-il fleuri dans cette période de la fin du XIXè - début du XXè ? Parce que les conditions de vie s'y prêtaient : exode rural, révolution industrielle, guerre de 14-18 ...

Mais lisez l'histoire de Blanche :
 
 BLANCHE RAYMONDE LEA BONNINGUE

Blanche Raymonde Léa BONNINGUE est née le 15 novembre 1895 à Lille, au n° 23 de la rue des Guinguettes, domicile de ses parents.

Son père, Georges Alfred Isidore BONNINGUE, a 30 ans et est menuisier. Sa femme, qu'il a épousée en 1891, Sylvie Marie Emilie LECLERCQ, a 25 ans et est couturière. Ils sont tous deux originaires de Oye-Plage dans le Pas de Calais.
Blanche a un grand frère, de 3 ans plus âgé, Georges Oscar Auguste.

Blanche est un bébé chétif, peut-être prématurée, il lui faut un air plus sain que celui de la métropole lilloise ; c'est pourquoi, courant 1896, Blanche est confiée aux parents de sa mère, LECLERCQ Auguste et BIET Rosalie, tonneliers à Oye-Plage, à 100 kilomètres de Lille.
En voyant pour la première fois ce bébé minuscule, la grand-mère Rosalie dit à sa fille Sylvie : " Mais tu m'amènes un oiseau pour le chat !"

Oye-Plage


Est-ce l'air sain du pays calaisien, toujours est-il que Blanche jouira toute sa vie d'une excellente santé, méprisant les remèdes, lisant sans lunettes à 80 ans et ne souffrant sur ses vieux jours que de rhumatismes déformants.
En revanche, à l'âge adulte, elle ne mesurera qu' 1,40 m !

Les grands-parents LECLERCQ hébergent déjà un autre de leurs petits-fils, Jules NOEL, qui a quatre ans de plus que Blanche. Les parents de Blanche viennent la voir de temps en temps le dimanche, et la vie s'écoule ainsi jusqu'à ce que Blanche atteigne l'âge de six ans.

Pourquoi l'envoie-t-on alors à l'école, chez les soeurs, en Belgique ? Les recensements nous apprennent que, au plus tard en 1906, elle n'habite plus chez ses grands-parents. Pourquoi n'est-elle pas allée à l'école d'Oye ? Ses grands-parents ont alors 65 et 61 ans, sont-ils en trop mauvaise santé pour s'en occuper ? Est-ce la conséquence des lois de 1901, entraînant le départ de nombre de congrégations religieuses pour la Belgique ? Pourquoi n'a-t-elle pas été scolarisée à Lille où les institutions scolaires ne manquent pas ? Pourquoi ses parents n'ont-ils pas repris leur fille, maintenant en bonne santé, sachant que son grand frère Georges est toujours avec eux ?


Bref, Blanche passera six ans dans une pension belge tenue par des religieuses, jusqu'en 1907, où, âgée de seulement 12 ans, elle doit commencer à travailler.
Nous supposons qu'à cette époque, elle rejoint alors ses parents à Lille, mais le couple BONNINGUE-LECLERCQ bat de l'aile ...

Sylvie LECLERCQ est une femme de caractère, très jolie brune aux dires de sa fille, mais dont nous ne possédons aucune photo. Blanche dira plus tard qu'elle ressemblait à une de ses propres filles, Solange, avec le même grain de beauté sous la lèvre :

SOLANGE BONNINGUE
Solange

Elle est première main dans une maison de haute couture, à Lille. Sa fille vantera toujours ses doigts de fée.
Le couple se sépare de fait entre 1908 et 1912.

En 1908, le couple vit encore ensemble, 52 rue des Trois Molettes à Lille.
A partir de 1912, ou même avant, le père de Blanche est domicilié 48 rue Fontaine Delsaux à Lille.
A la même époque, sa mère réside à Saint Quentin (Aisne).

Il semble que Blanche soit restée à Lille avec son père. Est-ce à cette époque qu'elle travaille dans une usine de cosmétiques ? Elle racontera à ses enfants avoir vu certaines ouvrières cracher dans les préparations, disant : "Tiens, voilà pour les bourgeoises !" Du coup, Blanche n'utilisera jamais ni fards, ni crèmes, préconisant uniquement l'usage de l'eau froide et du savon pour conserver une belle peau.

Blanche va donc passer cinq années de son adolescence à travailler, seule avec son père, peut-être avec son frère Georges, mais dès 1912, celui-ci est domicilié à Reims où il est comptable.

C'est vers 1911-1912, alors qu'elle réside 1 rue Charles de Muyssaert à Lille, que Blanche rencontre, dans des circonstances que nous ignorons, le grand amour en la personne de David Gustave PYNSON.
Il a 19 ans et travaille dans l'entreprise de forage de puits de son père.

Les parents PYNSON voient d'un mauvais oeil cette relation ; sans être riches, ils vivent confortablement, et espèrent sans doute un meilleur parti pour leur fils que cette petite ouvrière dont les parents sont séparés.

Alors, David et Blanche usent d'un stratagème vieux comme le monde pour forcer le consentement des parents : ils font ce qu'il faut pour que Blanche tombe enceinte, ce qui arrive fin 1912 - début 1913.

Les parents PYNSON et le père de Blanche consentent alors au mariage, mais Sylvie LECLERCQ s'y oppose encore, sans qu'on en connaisse les raisons.
Heureusement pour Blanche, c'est le consentement du père qui prime, et le mariage peut avoir lieu à Lille, le 15 mars 1913 à 11h30 du matin.
La mère de Blanche est évidemment absente, son frère effectue son service militaire, les grands-parents, toujours en vie, mais de condition modeste, n'ont sans doute pas pu faire le déplacement, quant à son père, il est également absent : pourquoi ?
Ainsi, la petite mariée de 17 ans est bien seule à son mariage, mais elle épouse enfin son cher David, et porte en elle un petit être, qui naîtra le 23 septembre 1913 à la maternité de la Sainte Famille, 14 place Sébastopol à Lille : Georges David PYNSON.

Cpa Du 59 Lille Maternité De La Sainte Famille 14 , Place Sébastopol -- Couloir 1er étage     SEP17-57 - Lille
Un couloir de la maternité de la Sainte Famille, à l'époque où Blanche donne le jour à Georges

Le couple est alors domicilié à Lille, 147 rue Colbert.

Rue Colbert à Lille, au début du XXè siècle

Tout est réuni pour que Blanche connaisse enfin le bonheur, sauf que David doit effectuer son service militaire... Devant laisser Blanche seule avec le petit Georges âgé de deux semaines, David est incorporé le 9 octobre 1913 dans le 43è Régiment d'Infanterie, heureusement en garnison à Lille.

La guerre éclate en août 1914, et David part au front.

Lille est bombardée, puis occupée par les allemands

Autre épreuve pour Blanche : son père Georges décède le 12 janvier 1915 au 95 rue d'Esquermes à Lille, à l'âge de 49 ans.


Sur le front, c'est un déluge de fer et de feu, et David est tué le 16 février 1915 dans le secteur de Minaucourt - le Mesnil- les Hurlus dans la Marne.

Voici Blanche veuve à 19 ans, avec un bébé d'un an et demi qui ne connaîtra jamais son père.

Face à cette terrible nouvelle, Blanche se réfugie dans l'espoir fou que David est prisonnier, ou amnésique ... Il est vrai que le corps de David ne sera jamais retrouvé, et que quelques rares cas se sont présentés, de soldats que l'on croyait perdus et qui ont retrouvé leur famille.

Pendant de longues années, et peut-être même jusqu'à la fin de sa vie, Blanche espèrera en vain le retour de David.

Les parents PYNSON sont particulièrement éprouvés, puisque leur autre fils, Albert Joseph, sera tué exactement un mois plus tard, le 16 mars 1915, dans le même secteur. Lui aussi repose toujours dans la terre marnaise, sans sépulture ...

Blanche ne peut même pas s'abandonner à son chagrin, que "dès mars 1915, les habitants de Lille connaissent les premiers rapatriements forcés. Ces rapatriements concernent les indigents, les indésirables, les bouches inutiles ou les malades. Après une période de « quarantaine » en Belgique, les rapatriés sont amenés en train jusqu’à Schaffhausen où ils sont remis aux Helvétiques et entrent en France par Annemasse et Evian.
De 1915 à 1918, environ 30.000 Lillois peuvent ainsi rentrer en France." Source : Chemins de mémoire Nord-Pas de Calais

Blanche et le petit Georges sont ainsi mis plus ou moins de force dans un train, que Blanche appellera le "train de la mort", au vu des conditions de voyage particulièrement difficiles.
Elle restera toujours évasive sur cette période, et son trajet exact nous demeure inconnu, ainsi que la durée de sa détention dans un camp allemand.
Blanche mentionnera l'humanité de certains allemands, notamment un homme qui lui apportait du lait pour son enfant.
Grâce aux fichiers du Comité International de la Croix-Rouge, nous connaissons la période de leur transit par la Suisse et Dijon : juin 1915, puisque Georges est noté comme âgé de 19 mois.




Le Bulletin des Réfugiés du Nord nous apprend par ailleurs, qu'en juin 1915, Blanche et Georges ont trouvé refuge à Gevrolles en Côte d'Or :


Que vont devenir Blanche et Georges, sans famille et loin de chez eux ? Certes, une allocation est prévue pour les réfugiés, mais ceux-ci ne sont pas toujours bien considérés par les populations locales qui les appellent les "Boches du Nord".
Et puis, Blanche est vaillante et espère toujours des nouvelles de David. Plutôt que de rester là, autant se rapprocher du Nord le plus possible et aller à Paris où elle trouvera facilement du travail.

La période la plus mystérieuse de la vie de Blanche s'ouvre alors.

Elle s'installe 11 Rue Vincent Compoint dans le XVIIIème arrondissement, dans un hôtel meublé.

11 rue Vincent Compoint Paris

De quoi vit Blanche ? Elle perçoit une allocation de réfugiés, pour elle et son fils. Est-elle déjà reconnue veuve de guerre et perçoit-elle une pension à ce titre ?
Elle résidera quatre années à cette adresse, elle a donc de quoi payer son loyer régulièrement.

Blanche évoquera ses montées et descentes des escaliers de Montmartre. On peut l'imaginer, le petit Georges lui donnant la main, montrant les pigeons du doigt, insouciant ...



C'est le lendemain du jour de Noël 1916, chez une sage-femme, 93 rue Lemercier, que Blanche donne le jour à un petit garçon, Jules Raymond.

Que s'est-il passé ? A-t-elle dû se résoudre à céder à des avances en échange d'une aide matérielle, d'un travail ? A-t-elle été contrainte ? A-t-elle croisé le chemin d'un permissionnaire qui l'a aimée et qui s'est fait tuer lui aussi ? 
Jules a été baptisé le 22 janvier 1917, en l'église Ste Geneviève des Grandes Carrières. Ses parrain et marraine sont Henry FLOGNY et Marie MAGNAVAL. A ce jour, je n'ai pas réussi à en apprendre plus sur ces personnes. Se pourrait-il que le parrain soit le père ? En tout cas, il existe bien un Henry FLOGNY, du même âge que Blanche, vivant à Paris, et célibataire à cette époque.

Le petit Jules rendra l'âme dans la nuit du 8 au 9 mars 1918, chez lui. Ce sont la patronne de l'hôtel et l'épicière qui iront déclarer le décès le jour même.

Blanche n'évoquera cet enfant qu'une seule fois, 45 ans plus tard, par inadvertance, fondant en larmes à la première question, disant : "Ce sont des souvenirs de guerre, je ne veux pas en parler".


C'est au printemps 1919 que Blanche va faire une rencontre fondamentale. Louis Joly, un ancien mineur de fond de 39 ans, blond aux yeux gris, s'installe au 11 rue Vincent Compoint, à la fin de la mobilisation.

LOUIS PIERRE JOSEPH JOLY
Louis JOLY


Louis va tomber éperdument amoureux de cette petite jeune femme de 24 ans, et le restera toute sa vie.

Seul obstacle, Louis est marié, et la situation devient rapidement intenable.
Alors, Louis prend le parti d'emmener au loin Blanche et le petit Georges âgé de six ans.

Il a travaillé aux Mines d'Albi de mai à août 1918 : si le travail des mines sera toujours aussi pénible, au moins, le climat sera infiniment plus agréable.


Le 21 janvier 1920, tous les trois s'installent à Albi, 37 rue Séré de Rivières.

Le 25 novembre 1921, ils emménagent rue Jean Jaurès, à Cagnac les Mines. Blanche est enceinte et donnera le jour, le 19 février 1922, à sa première fille, Paulette.

Que deviennent sa mère et son frère ? Ils se sont installés à Paris, on ne sait trop à quelle époque. Georges se marie en 1920. Il vivra en région parisienne jusqu'en 1960. Il restera en contact avec sa soeur, mais les ponts sont rompus entre Blanche et sa mère.

Blanche connaît enfin le bonheur d'un foyer stable. Les naissances se succèdent : Abel en 1923, Solange en 1925, Ginette en 1929, Léon en 1932 et Andréa en 1933.
Une petite Huguette née en 1931 quittera ce monde neuf jours plus tard.
La première épouse de Louis étant décédée en 1924, Blanche est officiellement Madame Joly depuis le 7 décembre 1925.

La vie pourrait enfin s'écouler sereinement pour Blanche, mais le destin lui réserve une dernière épreuve : son fils aîné, son cher Georges, qui a dû lui aussi descendre à la mine à 14 ans, décède à 23 ans d'une méningite foudroyante.


GEORGES DAVID PYNSON
Georges David PYNSON 1913-1936
Blanche ne s'en remettra jamais.
Sur son lit de mort, elle demandera à ses enfants de veiller à l'entretien de la tombe de Georges ; cette tradition est toujours respectée.

Son caractère est marqué par tous ces événements tragiques : Blanche laissera à ses enfants le souvenir d'une mère aimante, mais austère. Louis est plus expansif, il ne rate pas une occasion de faire danser sa femme, sans même prendre le temps de se chausser.

La guerre arrive, avec son cortège de privations. La retraite de Louis ne suffit plus pour faire vivre leur grande famille. A plus de 60 ans, Louis prend un emploi de veilleur de nuit dans un hôtel d'Albi.
Il rapporte à ses enfants les restes des clients du restaurant.
Ce n'est pas un emploi de tout repos ; un soir, il a été violemment attaqué par des supplétifs allemands, d'origine dite "mongole", probablement des géorgiens ou des turkmènes. Il ne devra son salut qu'à l'intervention d'officiers allemands.
Leur fils aîné Abel est dans le maquis, Blanche et Louis sont amenés à cacher régulièrement des maquisards. Ceux-ci leur rapportent des couvertures militaires, dans lesquelles Blanche taille des manteaux pour les enfants.

La guerre terminée, sentant peut-être sa fin approcher, Sylvie tente un rapprochement avec Blanche, et descend de Paris. Ce revirement vient trop tard pour Blanche  qui refusera de lui ouvrir sa porte.
Sylvie décèdera le 8 janvier 1949 à Saint Maur des Fossés (Val de Marne).

Louis décèdera le 15 mars 1956, à Arthès, où ils se sont retirés.

Vingt ans restent à vivre à Blanche, entourée de ses enfants, puis de ses petits-enfants. Elle est nommée "Mémé d'Arthès".


Blanche à droite, avec une toute petite partie de ses enfants, beaux-enfants, neveux, petits-enfants
Malgré toutes les épreuves traversées, Blanche est décédée à l'âge respectable de 81 ans, le 27 mai 1977 à Carmaux, et a eu 9 enfants, dont 6 ont eu une descendance, composée aujourd'hui de 15 petits-enfants, et d'au moins 18 arrière-petits-enfants, sachant que nous n'avons pas forcément connaissance de tous les descendants.

Elle repose désormais au cimetière d'Arthès.