« Les gens heureux
n'ont pas d'histoire », et c'est vrai, surtout en généalogie !
Combien de vies paisibles
englouties dans la mémoire familiale, et dont je ne parviens à
exhumer que les lieux et dates de naissance, de mariage et de décès.
En revanche, quelques existences ont été plus mouvementées :
crimes odieux, accidents tragiques, déchéance ... Parfois, le
malheur s'acharne, parfois, certains ont fait de mauvais choix.
Tous nos ancêtres n'ont
pas été valeureux, honnêtes, ou tout simplement épargnés par le
destin. C'est une réalité à prendre en compte quand on commence à
fouiller dans la vie de ceux qui nous ont précédés. Il m'est
arrivé plus d'une fois de refermer l'ordinateur, dégoûtée ou
bouleversée de ce que j'avais trouvé, me sentant un peu coupable
d'avoir mis au jour un secret que de plus proches que moi avaient
ignoré.
C'est pourquoi, sauf
exception, je ne dévoilerai pas de noms dans cet article, et me
contenterai de compiler le fruit de mes recherches, manière pour moi
de laisser une trace de leur malheureuse histoire, ou de ne pas
porter seule le poids de ces découvertes (certains disent que
la généalogie est une thérapie gratuite).
J'ai déjà évoqué un
criminel, qui sût heureusement se remettre sur le droit chemin, et
sa première épouse, l'inénarrable Yvonne GALOPIN, dans
Le mystérieux Monsieur LE BOUX - Histoire d'une rédemption
Dans le registre pénal,
les fiches matricules militaires sont une mine de renseignements, car
elles relatent les condamnations. Je trouve ainsi un collatéral par
alliance condamné deux fois dans les années 1930 pour « attentat
à la pudeur ». Ce vocable recouvre des réalités bien
différentes , de l'adepte des galipettes champêtres, à
l'homosexuel réprouvé, jusqu'à l'ignoble pédophile. De quoi
s'agissait-il en l'occurrence ? Je n'ai pas voulu rechercher
plus loin dans les archives judiciaires …
De temps en temps, la
condamnation est plus détaillée et les articles de journaux
l'explicitent davantage : un jeune homme s'était servi dans la
caisse de l'association dont il était le trésorier. Il restitua les
sommes détournées, et mourut en héros sur un champ de bataille en
1915 …
Il peut même s'agir d'un
feuilleton judiciaire, telle l'affaire de ce qu'on appelait à
l'époque des « débits borgnes », et qu'on
appelle aujourd'hui des « bars à hôtesses ». Une
arrière-arrière-grande-tante fût condamnée pour avoir tenu un
établissement de ce genre à Saint Malo, en 1912.
Certains échappent à la
justice des hommes, tel celui qui, au retour d'une nuit de beuverie,
précipita sa femme dans l'escalier, sous les yeux de leurs trois
fils. La malheureuse mourut sur le champ, et les trois enfants furent
confiés à un oncle paternel. C'est la mémoire familiale qui fût
seule dépositaire de ce crime impuni.
Je mentionnais plus haut
les articles de journaux, ils sont riches en détails sur les
suicides, accidents, infanticides, bagarres d'ivrognes et même
scènes de ménage.
J'ai déjà publié sur
ce site l'article concernant le décès subit de mon
arrière-arrière-grand-père François BAILLEUL, victime d'une
attaque alors qu'il travaillait sur un chantier à l'âge de 64 ans,
en plein mois d'août.
Autre accident du
travail, particulièrement atroce, qui frappa une cousine de ma
grand-mère paternelle :
Les accidents domestiques
ne sont pas rares non plus, surtout concernant les enfants :
Les suicides sont légion,
et les journaux n'épargnent aucun détail glaçant : entre
celui qui se pend avec un fil de fer barbelé ou celle qui se jette
dans un puits, j'en compte déjà quatre dans les premières années
du XXè siècle …
Les archives des services
sociaux sont aussi intéressantes à consulter. Ayant découvert
qu'une collatérale par alliance avait été confiée à l'Assistance
Publique en 1916, j'ai voulu consulter son dossier pour savoir
comment celui-ci se présentait.
Une gentille bénévole,
habituée de ce genre de recherches, est allée aux Archives de Paris
le photographier. J'aurais dû sentir dès le début qu'il y avait un
problème : la bénévole me confie qu'elle est surprise de
l'épaisseur du dossier !
Effectivement, plus
j'avance dans sa lecture, et plus je regrette de l'avoir consulté …
Tout commence par la
naissance d'une petite fille à Paris en 1916, de père inconnu. La
mère ne l'abandonne pas, mais la délaisse clairement. On apprend au
fil du dossier, que le nourrisson reste seul des heures dans
l'appartement, avec sa cousine germaine du même âge, alors que les
deux mères se prostituent en bas de l'immeuble avec des soldats en
permission …
La mère n'oublie pas en
revanche d'envoyer moult courriers aux services sociaux pour réclamer
le paiement de secours.
L'enfant finit par lui
être retirée et envoyée en province. Très jeune, elle est
employée comme bonne. On continue dans le sordide, en apprenant
qu'adolescente, elle est contaminée par la syphilis … Elle en
guérira, se mariera et, devenue mère à son tour, écrira sans
succès aux services sociaux pour savoir ce qu'est devenue sa mère.
Ce qu'est devenue sa
mère, je le sais désormais, alors que sa propre fille ne l'a jamais
su : elle est décédée en 1920, alors que sa fille n'avait que
4 ans …
Dans ma branche
maternelle, cette fois, j'ai également une petite fille née en
1873, à Paris, à la Prison Saint Lazare, lieu de détention des
prostituées. Sa mère n'a que seize ans. Seize ans …
« La prison de Saint-Lazare – Un arrivage dans la cour de l’Administration », en voitures cellulaires, Journal L’Illustration du 13 février 1897. |
Là aussi, l'enfant lui
sera retirée et envoyée au fin fond de la Bretagne. La petite fille
grandira, se mariera, … et décédera trois jours après avoir
donné la vie à une cousine germaine de ma grand-mère.
« Quelle
famille ! » vous dites-vous … Rien de bien original,
cependant : il suffit de s'intéresser aux différentes sources
disponibles, et bien des histoires glauques remontent à la surface.
Pour contrebalancer, on
trouve également (et surtout!) des mères de famille méritantes,
des pères dévoués, des ascensions sociales remarquables, des héros de guerre, des
familles unies …
C'est ainsi qu'à
l'avenir, je vous raconterai des vies heureuses, ou du moins pas trop
éprouvées, j'en ai plein en réserve, mais elles sont plus
difficiles à reconstituer par nature !
Bonjour, votre article est très intéressant, je pense que nous sommes nombreux à avoir découvert des cas similaires mais peu l'ecrivent. Pour ma part je m'intéresse à Brest, avec en 1880 avec 29 maisons de tolérance et près de de 900 filles soumises, on en trouve des vertes et des pas mûres. Ce n'est pas drôle mais intéressant sur le plan sociologique. C'est l'histoire vraie que les historiens ne racontent pas.
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